11/8/21
attention à ce que l'accord collectif permettant l'institution de convention forfait jours prévoit des garanties suffisantes en termes de suivi de la charge de travail
Un accord collectif d’entreprise ou d’établissement (ou à défaut de branche) est indispensable pour recourir aux conventions de forfait jour. Il en définit les modalités et garanties pour le salarié.
Lorsque l'employeur signe une convention de forfait jours avec un salarié, il doit notamment veiller à :
- ce que la charge de travail de l'intéressé soit raisonnable et permette une bonne répartition dans le temps de son travail ;
- la bonne articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle du salarié.
Il faut ainsi veiller à ce que l’accord collectif permettant l’instauration de convention de forfaits jours prévoit des garanties suffisantes pour le salarié, notamment en termes de suivi de la charge de travail.
Un salarié d’une banque saisit le Conseil de prud’hommes d’une demande de nullité de sa convention de forfait jours considérant que celle-ci contenait des garanties insuffisantes par rapport à sa santé et à sa sécurité.
La Cour d’appel de Poitiers rejette sa demande en relevant que a convention de forfait en jours signée par le salarié prévoyait :
- que la durée quotidienne de travail devait rester en moyenne inférieure à la durée maximale prévue pour les personnes dont le décompte du temps de travail s'effectue en heures, soit alors 10 heures ;
- qu'en cas de situation durable d'amplitude journalière forte de travail, un point serait fait avec la hiérarchie pour rechercher des moyens d'y remédier ;
- et que le salarié bénéficiait, au-delà des 2 jours de repos hebdomadaires consécutifs dont le dimanche, de 56 jours de congés dans l'année, compte tenu d'un droit à congé payé complet.
Considérant ainsi que les garanties de la santé et la sécurité du salarié étaient ainsi suffisantes.
Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation dans son arrêt du 13 octobre 2021, qui au visa de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne et des dispositions du Code du travail (article L. 212-15-3 ancien) interprétées à la lumière des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, rappelle que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles.
Or, la Cour casse l’arrêt rendu par les juges du fond et souligne que les dispositions de l'annexe 2 de la convention collective du Crédit agricole se bornent à prévoir que :
- le nombre de jours travaillés dans l'année est au plus de 205 jours, compte tenu d'un droit à congé payé complet ;
- le contrôle des jours travaillés et des jours de repos est effectué dans le cadre d'un bilan annuel, défini dans l'accord ;
- un suivi hebdomadaire vérifie le respect des règles légales et conventionnelles les concernant en matière de temps de travail, notamment les 11 heures de repos quotidien,
- sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
Le simple fait que la convention individuelle institue un mécanisme d’alerte en cas d’amplitude de travail trop élevée ne suffit pas à assurer la validité de cette convention. L’accord collectif doit lui-même prévoir un mécanisme permettant d’assurer l’effectivité des droits du salarié au respect d’une amplitude et d’une charge de travail raisonnables.
Rappelons à toutes fins utiles, que depuis la loi travail, l’employeur peut prendre des mesures pour garantir la santé et la sécurité des salariés en forfait jours, et par conséquent ne pas subir les lacunes de son accord conventionnel en la matière (article L. 3121-65 du code du travail).
https://www.courdecassation.fr/decision/616676d0a1c75d6f42603eeb?judilibre_chambre%5b%5d=soc&page=1