26/11/2020
La Cour de cassation rappelle que la protection applicable au lanceur d'alerte n'est accessible qu'en cas de dénonciation par le salarié d'un crime ou d'un délit.
La protection du lanceur d'alerte a été intégrée à l'article L. 1232-3-3 du code du travail qui prévoit que " Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d'un délit ou d'un crime dont il aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions."
En cas de litige, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à la déclaration ou au témoignage du salarié (article L. 1232-3-3 du code du travail).
En application du principe de non discrimination, la mesure prise à l’encontre d’un salarié ayant relaté ou témoigné de tels faits en court la nullité (article L. 1132-4 du code du travail).
Dans cette espèce, un consultant dans une société spécialisée dans le développement de solutions logicielles et d’expertises dans le domaine de l’optimisation et des solutions d’aide à la décision, s’est vu confier une mission auprès d’un technocentre Renault.
La société RENAULT se plaint auprès de l'employeur de l'envoi par le consultant d'un courriel politique à l'ensemble des salariés RENAULT. Le salarié est reçu dans le cadre d'un entretien informel qu'il enregistre à l'insu de l'employeur puis qu'il diffuse sur YOUTUBE.
Le salarié est licencié pour faute grave au motif d'un manquement à l'obligation de loyauté et de bonne foi(caractérisé par l'enregistrement et sa diffusion).
Le salarié saisit le Conseil de prud'hommes en contestation de son licenciement considérant qu'il était intervenu en violation du statut de lanceur d'alertes. Il sollicite devant le juge des référés la cessation du trouble manifestement illicite résultant de l'annulation de son licenciement et l’octroi de provisions à valoir sur la réparation de son préjudice.
La Cour d'appel, statuant en référé, prononce la nullité du licenciement retenant que la révélation des faits d’atteinte à la liberté d’expression dans le cadre d’échanges avec un syndicat est intervenue par la voie de médias par internet lors de la diffusion de l’enregistrement litigieux alors que le salarié avait personnellement et préalablement constaté que son employeur remettait en cause son droit à sa libre communication avec les syndicats de la société Renault, au vu des propos tenus par le dirigeant de la Société employeur lors de l’entretien informel.L’arrêt en déduit que le salarié est recevable à invoquer le statut de lanceur d’alerte.
La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que la Cour d'appel avait tranché " sans constater que le salarié avait relaté ou témoigné de faits susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime".En d'autres termes, le statut de lanceur d'alertes et la protection qui y est attachée n'est accessible que dans le cadre de dénonciation de faute pénale, ce qui n'était pas le cas ici.
Notons que le licenciement a été fondé sur un manquement à l'obligation de loyauté caractérisé par l'enregistrement de l'entretien à l'insu de l'employeur et sa diffusion sur internet, et non sur la dénonciation en elle même (auquel cas la solution aurait sans doute été différente).
Un salarié ne peut être licencié au motif d'une dénonciation, sauf mauvaise foi ne pouvant résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce (Soc. 8 juill. 2020, n° 18-13.593). En l'espèce, le salarié avait bien eu connaissance des propos de l’employeur dans l’exercice de ses fonctions. Sa mauvaise foi ne semblait pas pouvoir être retenue dès lors qu’il avait simplement diffusé un enregistrement dont la véracité n’était pas contestée. Toutefois, les éléments de fait présentés parle salarié – les propos de l’employeur – ne permettaient pas de présumer qu’il avait relaté ou témoigné de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime.